
Le blog
Efsy Washington : le fils illégitime d’Henry Miller et l'enfant indocile de la littérature contemporaine. Après la lecture de La Gula, j'avoue que tout me sembla fade. Puis, je repenssai à ce vieil Henry, que je ressortis un soir de ma bibliothèque. Ce fût l'évidence. Miller écrivait avec...Playlist de La Gula
Un mélange d’ombre et d’élégance, où la révolte punk et l’introspection new wave se mêlent à un romantisme sombre et sophistiqué. Chaque morceau est la toile sonore d’une scène.
Playlist de L'Itinéraire
Bande son d’une errance urbaine et intérieure, portée par une voix désabusée, où se mêlent excès, désirs et quête d’identité dans un monde nocturne et marginal.
juin 2025
Interview exclusive
Efsy Washington, figure trouble et radicale de la littérature indépendante, revient avec La Gula un roman vertigineux, cru, politique, parfois insoutenable, qui bouscule les conventions narratives et morales. A quelques semaines de sa publication, il ou elle répond aux questions sans filtre.
Efsy Washington, La Gula, votre quatrième roman, sort dans quelques semaines. Il y a dans ce livre quelque chose de diffèrent, de plus profond. Est-ce un tournant ?C'est plutôt une continuité, une évolution logique. L'expérience Washington vise à comprendre le monde de l'édition et du livre, d'une manière plus générale. Elle a commencé avec un roman léger (Best-seller) qui obéit à tous les canons de ce qui se vend actuellement. L'objectif était de déterminer si un livre qui a tout pour être un succès commercial, avec un bandeau de Franck Thilliez aguicheur, peut devenir un best-seller et être présent dans la presse, en étant publié par une petite (mais excellente) maison d'édition (Alter Real). Et la réponse est non. Sans la force de frappe d'un major de l'édition, aucune couverture presse n'est à attendre et sans couverture presse, il est impossible de rivaliser avec les ténors en place. L'expérience s'est poursuivie avec deux vrais thrillers, deux très bons romans plutôt subversifs, pour vérifier cette hypothèse, dans le cadre d'une démarche scientifique. La conclusion a été la même. Elle est donc sans appel. A ce stade, un peu par hasard, j'ai découvert qu'il existait une censure qui ne dit pas son nom dans le petit monde littéraire. Une censure poussée par une forme extrême du wokisme et du progressisme. La Gula, un thriller politiquement incorrect et aussi -il me plaît de le croire- mon meilleur roman, a donc vu le jour, chez Magnus, pour là encore, vérifier scientifiquement ce que j'avais ressenti et répondre à cette question qui fait beaucoup parler en ce moment : la liberté d'expression est-elle en danger au pays des Lumières ?
Votre roman mêle le polar, la critique sociale, le réalisme cru et des allers-retours entre fiction et vérité. Comment définiriez-vous La Gula ? Une œuvre de genre ou un manifeste ?
C'est un peu tout cela à la fois. La Gula n'est pas vraiment classable. C'est avant tout un roman, même s'il est rangé dans la catégorie des thrillers. C'est un livre que j'ai écrit avec un plaisir immense, sans aucune autocensure, ce qui ne m'était pas arrivé depuis des années. Ce roman, sans le courage de Laura Magné la directrice des éditions Magnus, n'aurait jamais vu le jour. C'est un bouquin comme on n'en fait plus, comme on ne peut plus en faire, en réalité.
Votre livre débute sur une scène insoutenable et pourtant poétique par endroits. Que cherchez-vous a faire éprouver au lecteur ?
Je n'ai pas écrit ce livre pour les lecteurs. Il s'est imposé à moi, en quelque sorte. Je n'ai aucune idée de ce que les lecteurs ressentiront en le lisant. J'espère qu'il ne les laissera pas indifférents... A priori, non car les premiers retours sont excellents.
A la lecture de La Gula, certains vous accuseront peut-être de misanthropie, voire de provocation gratuite. Que leur répondez-vous ?
Que je m'en fous. On ne peut pas plaire à tout le monde. La Gula n'a pas cette vocation. Je n'écris pas dans le confort de la morale et encore moins de l'idéologie.
Le personnage de Lucas Verdier semble incarner à la fois la victime et le bourreau d’un monde hypocrite. Est-ce une allégorie de notre époque ? Nous vivons dans un monde de plus en plus violent, un monde ultra polarisé où la justice est rendue sur les réseaux sociaux, avant de l'être dans les tribunaux. Un monde où on tolère ce qui est interdit et où on interdit ce qui est toléré par la loi. Un peu comme un match de foot sans arbitre où les fautes seraient sifflées par les supporters ultras des deux équipes. Il n'y a plus de règles. Sous prétexte de progressisme, tous les repères qui fondaient notre société ont été balayés et une société sans repère est une société qui va mal...
Vous évoquez l’érotisation de la violence, la vengeance féminine, la justice parallèle. Craignez-vous d’alimenter la controverse ?
C'est le cadet de mes soucis. Et si cela alimente la controverse, c'est très bien. La controverse est utile. Bien plus utile que l'idéologie.
Certains passages laissent deviner une grande solitude. A quel point La Gula est-elle autobiographique ?
Tout roman comporte une part autobiographique. Un écrivain qui prétend le contraire est un menteur.
Le roman donne le vertige entre fiction et réalité. Quelle est la part de vrai dans ce que vous racontez ?
J'adore les mises en abyme et le procédé de story appeal. C'est au lecteur de construire sa propre histoire et de démêler le vrai du faux...
L’usage de l’anonymat vous permet-il d'aller plus loin dans la radicalité du propos ? Le pseudonyme vous libère-t-il... ou vous enferme-t-il ?
L'anonymat, c'est la liberté nécessaire pour affronter le monde de l'édition sans être totalement ostracisé. Quand on se bat contre le système, il vaut mieux avancer masqué. Sans son masque, Zorro serait mort au premier épisode...
Au fond, qui êtes-vous quand vous n’écrivez pas ?
Zorro sans son masque.
Efsy Washington, êtes-vous un écrivain en guerre contre la censure... ou contre votre époque ?
Je me considère plutôt en opposition avec la connerie. Et la censure, même sous couvert de belles idées -à la base- comme le wokisme, est une connerie. Et j'invite toute la chaîne du livre à ne plus être un terrain de jeu pour les bien-pensants. J'invite tous mes collègues auteurs qui sont très nombreux à constater cette censure, les éditeurs, les distributeurs et les journalistes, s'ils ont un peu de conscience, à se libérer de l’orthodoxie, à se réveiller, à penser librement et à dire merde aux idéologies. Cessez de prendre les lecteurs pour des imbéciles !
Y a-t-il un moment ou vous avez songé a tout abandonner ? Jamais. Renoncer c'est mourir.
Entre nous, quelle peur intime se cache derrière votre combat contre le système ?
On a peur quand on a des doutes sur ses propres convictions. Et je n'ai aucun doute sur les miennes. Je n'ai donc pas de peur intime, derrière mon masque.
Selon vous, qui est aujourd’hui Efsy Washington ?
Excellente question. Je vais prendre dix ans pour y réfléchir.
Merci Efsy Washington pour le temps que vous m’avez consacré. Vous avez commencé dans le jeu, dans l’énigme, dans l’élan d’une littérature-labyrinthe. C’était l’ère des pseudonymes, des fausses pistes, des lecteurs-détectives. L’aventure vous a porté bien au-delà de ses promesses initiales. Puis, vous avez pris une envolée. Aujourd’hui, vous n’écrivez plus pour distraire : vous écrivez pour percuter. Il ne s’agit plus de savoir “qui est Efsy”, mais de comprendre ce que dit Efsy — et pourquoi cela dérange tant. Il appartient désormais au lectorat de se hisser à cette hauteur, de quitter l’attitude ludique des débuts, pour affronter la charge, la complexité, la brûlure de vos textes. Ce n’est plus un jeu : c’est une œuvre. Et une œuvre exige des lecteurs affûtés. Je vous souhaite de rencontrer un lectorat à la hauteur de votre audace, et que cette nouvelle page vous donne une dimension plus grande encore —noble, nécessaire, inaltérable.
Propos recueillis par Pat Bateman, des livres et des mots.CONTACt
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