Efsy Washington, digne descendant d'Henry Miller ?

Efsy Washington : le fils illégitime d’Henry Miller et l'enfant indocile de la littérature contemporaine.

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Après la lecture de La Gula, j'avoue que tout me sembla fade. Puis, je repenssai à ce vieil Henry, que je ressortis un soir de ma bibliothèque.

Ce fût l'évidence.

Miller écrivait avec ses tripes. Efsy écrit avec ses plaies. Tous les deux rejettent l’hypocrisie sociale, littéraire, politique. Tous les deux pensent que la littérature n’est pas là pour faire joli, mais pour gratter là où ça fait mal. Chez Miller, la sexualité devient un acte de rébellion. Chez Efsy, elle est plus sombre, plus tendue, un moyen de mettre à nu une époque qui a peur de tout, surtout de la vérité.

Dans Tropique du Cancer, Miller disait :

« Ce n’est pas un livre, c’est une insulte criée au visage de toutes les conventions. »

Efsy pourrait dire la même chose de La Gula. Ce roman n’essaie pas d’adoucir le monde. Il le montre tel qu’il est. Crûment. Brutalement. Avec un style direct, sans filtre. Il raconte une époque où la violence est réelle mais où les livres, eux, sont devenus lisses, bien-pensants, inoffensifs. Efsy prend le contrepied. Il écrit ce que les autres n’osent plus poser sur la page.

Henry Miller a été censuré de son vivant. Ses livres ont été interdits dans plusieurs pays. Efsy, lui, est confronté à une autre forme de censure : le silence. Pas de scandale public, pas de procès, mais des refus polis, des non-réponses, des éditeurs qui ne veulent pas se mouiller. Dans L’Itinéraire, il écrit :

« Qui que vous soyez, quand vous lirez ceci, il est évident que je serai mort ou en prison. »

C’est une phrase forte, qui dit tout du sentiment d’exclusion qu’il ressent. Comme Miller, Efsy dérange parce qu’il ne rentre dans aucune case. Il parle vrai, il ne prend pas de pincettes. Et dans le monde littéraire d’aujourd’hui, ça suffit à le rendre suspect.

Les deux auteurs partagent aussi une même fatigue du système. Miller méprisait le conformisme de l’Amérique. Efsy critique ouvertement l’édition française contemporaine, trop frileuse, trop soumise à la mode, trop propre. Dans La Gula, il écrit :

« Il n’y avait plus de romans licencieux. Je m’emmerdais. »

Alors il décide d’écrire autrement. Sans chercher à rentrer dans le moule. Avec une liberté totale de ton. Comme Miller, Efsy refuse de tricher. Il raconte ce qu’il voit, ce qu’il pense, ce qu’il vit, même si ça choque, même si ça dérange. Et c’est précisément pour cela que sa littérature est nécessaire.

Chez Henry Miller comme chez Efsy Washington, le sexe n’est pas un effet de décor ni une provocation facile. C’est un terrain littéraire. Un champ de langage. Ils ne racontent pas le sexe pour faire sensation, mais parce qu’ils savent que c’est là, dans la description nue du corps, que la vérité surgit. Miller écrivait le sexe avec des mots simples, organiques, directs. Il refusait l’élégance, les métaphores, les détours. Il voulait que chaque scène frappe, gêne, touche. Il écrivait le corps comme on écrit une douleur. Efsy fait la même chose, mais dans un contexte plus hostile. Là où Miller affrontait la censure des tribunaux, Efsy écrit dans une époque où tout est codifié, surveillé, commenté. L’écriture du sexe, aujourd’hui, est presque interdite dès qu’elle dérange. On lui préfère l’allusion ou l’humour. Efsy, lui, reste frontal. Il écrit la scène sexuelle comme un révélateur des personnages : leurs failles, leurs hontes, leurs désirs inavouables. Il ne cherche pas la beauté. Il cherche ce qui est humain, même si c’est laid. Comme Miller, il croit que c’est par le corps qu’on accède à la violence du monde. L’écriture du sexe, chez eux, n’est jamais gratuite : elle est nécessaire. Elle casse les filtres. Elle ouvre la page comme on ouvre une plaie. C’est pour cela que leurs livres secouent. C’est aussi pour cela qu’on s’en souvient.

Efsy Washington n’a pas imité Henry Miller. Il en est issu. Il en est la suite. Miller a ouvert un chemin avec ses livres. Efsy continue à l’emprunter, mais dans un monde différent. Un monde plus froid, plus numérique, plus hypocrite. Là où Miller affrontait la censure frontale, Efsy doit lutter contre l’effacement en douceur, la mise à l’écart.

Aujourd’hui, on ne brûle plus les livres. On les ignore. On ne fait pas de procès aux auteurs. On les laisse dans le vide. Mais Efsy écrit quand même. Parce qu’il le faut. Parce que certains mots doivent être dits, même si personne ne veut les entendre.

Henry Miller était le début. Efsy Washington en est la suite logique. Ce n’est pas une copie. Ce n’est pas une citation. C’est un prolongement. Un écho contemporain. Un cri plus seul, mais tout aussi libre.

En refermant Sexus de Miller, j'eus cette impression folle : je venais de lire la genèse d'Efsy Washington.